L’hiver a été rude, en témoigne le nombre de grippes, rhumes et gastros. Ces maladies bénignes nous mettent hors d’état de nuire pendant des semaines entières… Un de vos amis ne vous a-t-il jamais dit qu’un bon Whisky pouvait vous remettre d’aplomb ? Vérifions cette théorie !
Certaines personnes ne jurent que par cette hypothèse, l’alcool peut nous soigner (‘mais si, le fameux, allez, ça désinfecte de l’intérieur !’ ou encore ‘il faut soigner le mal par le mal’). Pour autant, existe-il une quelconque preuve scientifique capable de corroborer tels propos ? Voyons voir…
Détruire les virus
Tout d’abord, nous allons poser une conjecture selon laquelle, une fois malade, boire du whisky (ou d’autres spiritueux, pas de discrimination) va détruire le virus et vous vous réveillerez parfaitement frais et dispo.
Un doux rêve qui n’a malheureusement jamais été scientifiquement démontré, sans vouloir vous plomber la journée. En outre, c’est une hérésie absolue, une idée totalement illogique.
Si la plupart des gens pensent ‘Mais… mais… Si l’alcool est utilisé pour désinfecter les plaies et stériliser des instruments, pourquoi ne pourrait-il pas le faire à l’intérieur de mon corps ?’ Une idée lumineuse… sauf si on occulte la concentration d’alcool nécessaire.
D’une part, une fois infecté par un virus du rhume ou de la grippe, il gambade sournoisement dans votre sang, drainé par la circulation. Concrètement, cela signifie que si vous souhaitez le détruire, c’est bien dans votre sang qu’il faudra mener le combat. Aux dernières nouvelles, l’alcool ingurgité tombe droit dans votre estomac et s’il y a du sang dedans, nous vous conseillons l’hôpital. Bref, en admettant que…
Certes, la consommation d’alcool augmente considérablement votre alcoolémie, mais pas suffisamment pour vous désinfecter. Selon le Center for Disease Control (CDC) , « l’alcool éthylique, à des concentrations de 60% ??à 80%, est un puissant agent virucide capable d’inactiver tous les virus lipophiles (par exemple, l’herpès ou le virus de la grippe) et de nombreux virus hydrophiles … «
En d’autres termes, votre sang aurait besoin de contenir 60 à 80% d’alcool pour réussir à tuer le vicieux virus (dites le 10 fois très vite). Donc, plus d’alcool que de sang ! Un taux d’alcoolémie de 0,2% est suffisant pour vous mettre dans tous vos états, 0,5% peuvent facilement causer la mort par empoisonnement à l’alcool. Nous parlons d’un mauvais rhume, la mort parait un tantinet excessive, enfin, chacun son point de vue.
Apaiser un mal de gorge.
Théorie numéro deux. »Oh, vous avez mal à la gorge ? Un bon whisky va apaiser tout ça très rapidement ! ». Tel conseil n’est pas si fou, il fait même preuve d’un peu de bon sens, du moins en théorie. L’alcool est utilisé pour désinfecter les surfaces. L’intérieur de votre gorge est une surface… CQFD ?
Hélas, l’alcool ne restera probablement pas assez longtemps dans votre gorge pour la stériliser, il sera emporté par la salive. En imaginant que la durée d’exposition soit suffisante, cela ne désinfecterait que la partie supérieure de la gorge. En effet, le liquide passera à vitesse grand V dans votre pharynx, votre œsophage puis l’estomac. Les maux de gorge ne se cantonnent pas à cette seule zone, votre système respiratoire est infecté, pas les voies digestives. Aussi à moins de boire par les poumons et de laisser l’alcool faire son œuvre… Voyons le bon côté des choses, vous serez mort noyé, mais désinfecté ! Chacun ses priorités.
Ceci étant, il est avéré qu’un bon grog est parfois salvateur, pourquoi ? Simplement parce qu’il vous mette en état d’ivresse et qu’un des premiers effets est d’inhiber la douleur. Toutefois, il y a également des conséquences négatives. L’alcool est un produit très sec et irritant, votre gorge est sèche et irritée, inutile de dire que ce n’est pas le combo gagnant.
De plus (tant qu’à faire…), l’alcool dilate les vaisseaux sanguins à la surface de votre gorge, ce qui augmente le risque d’endommager cette zone déjà bien douloureuse. Last but not least, il est acquis de tous qu’il faut boire beaucoup d’eau lorsque l’on est malade, pour drainer les impuretés hors du corps. Comme l’alcool est un diurétique, il déshydrate, ce n’est donc pas une solution idéale pour vous remettre sur pieds.
Virus, vous ne basserez pas (Gandalf, enrhumé)
Il existe deux études scientifiques qui indiquent que la consommation régulière d’alcool peut effectivement vous rendre moins susceptibles de contracter le rhume (à prendre avec des pincettes…).
La première étude a été menée par l’Université Carnegie Mellon en 1993, elle s’intéresse à la relation entre le tabagisme, alcool et sensibilité au rhume sur 391 sujets. Elle argue que les fumeurs sont tombés malades plus souvent, les fumeurs et buveurs attrapent le mal comme le tout-un-chacun, et les sujets uniquement buveurs tombaient moins souffrants que les autres.
Publiée en 2001, notre seconde étude s’attarde sur 4 272 professeurs et le personnel de cinq universités espagnoles. A contrario, elle annonce que la consommation d’alcool sous forme de bière et de spiritueux n’a aucun effet sur ??la sensibilité au rhume. Cependant, l’étude dévoile que les personnes qui buvaient plus de 14 verres de vin par semaine étaient à 60% moins susceptibles de tomber souffrantes, d’autant plus pour les buveurs de vin rouge. Le pinard, le panard ? Ce n’est pas l’alcool le responsable de ce ‘miracle’, mais plutôt les niveaux élevés d’antioxydants qui sont présents dans le vin.
A savoir que les buveurs de Guinness et autres bières brunes également riches en antioxydants pourraient donc profiter d’avantages similaires. Toutefois, il est important de noter que 14 verres de vin par semaine est un chiffre non négligeable… Les risques pour la santé l’emportent sur ??les avantages, en somme, mieux vaut traîner son rhume une bonne semaine. A vos souhaits !
Alors, un bon Whisky peut-il vous remettre sur pieds ?
Nous pouvons raisonnablement conclure que si vous êtes déjà malade, boire de l’alcool ne va pas vous aider. Cela va plutôt empirer les choses… En revanche, si vous avez un penchant pour le vin rouge, il y a des preuves qui suggèrent qu’il peut augmenter votre résistance. Bien évidemment, boire avec excès vous fera plus de mal que de bien.
Alors, si un ami tente de vous vendre un whisky comme remède miracle, dites-lui que sa théorie n’a aucun fondement scientifique. Rentrez chez vous, prenez une soupe, une tisane et au lit, 20h30. La vérité est au fond du verre, mais bien souvent du verre d’eau.
Par Nabil Chaibi