L'Autorité de la concurrence rend son avis sur le principe de la mutualisation des infrastructures entre opérateurs et de l'itinérance entre Free Mobile et Orange, dont elle rappelle la valeur transitoire.
La mutualisation des infrastructures entre opérateurs doit permettre de réduire les coûts d'entretien et d'organiser plus efficacement la couverture du territoire. Elle est vue comme une alternative à la tentation de fusion que connaissent les opérateurs pour s'adapter à la perte de valeur du secteur telecom.
Interrogée sur les effets possibles de la mutualisation sur le marché, l'Autorité de la concurrence a également été interrogée sur les conséquences de l'accord d'itinérance entre Free Mobile et Orange sur cette question de la mutualisation et sur la distorsion du jeu de la concurrence qu'elle peut engendrer.
L'Autorité a rappelé le rôle bénéfique de la mutualisation des infrastructures tout en rappelant qu'elle pouvait être dévoyée pour écarter un concurrent, d'autant plus que le " marché mobile continue de présenter des caractéristiques intrinsèques (degré de concentration, transparence, stabilité, complexité, etc) qui maintiennent des risques de collusion. "
Il convient donc d'encadrer cette pratique et l'Autorité émet des recommandations en fonction de la densité de population. Pour les zones peu denses ou à déploiement prioritaire, la mutualisation peut être activée à plusieurs niveaux, du partage des infrastructures à celui des fréquences.
Pour les zones denses, la mutualisation des installations passives ne pose pas de souci mais c'est du côté du partage des fréquences que l'Autorité se montre méfiante dans la mesure ou le RAN Sharing oblige à échanger des données commerciales sensibles, notamment sur les zones très denses, un peu moins pour les zones semi-denses.
Ces échanges seraient nocifs pour les capacités de différenciation des opérateurs, estime l'Autorité, et le partage des fréquences " remettrait en cause le principe de concurrence par les infrastructures ". L'instance n'a donc pas tellement envie de préparer le terrain d'une nouvelle entente entre opérateurs.
Itinérance : un peu mais pas trop
Pour ce qui est de l'itinérance entre Free et Orange, l'Autorité souligne qu'elle a été bénéfique pour la concurrence en rendant Free directement capable de peser sur le marché mobile alors même que son réseau propre est encore de petite taille.
Dans le même temps, elle souligne que cette disposition ne peut pas perdurer du fait des risques concurrentiels qu'elle introduit en rapprochant Free et Orange et en affaiblissant en retour les autres opérateurs du marché.
Elle recommande donc une surveillance resserrée sur l'accord d'itinérance dans la mesure où les opérateurs impliqués n'ont pas spécialement intérêt à y mettre fin et risquent de tout faire pour en retarder l'interruption.
Elle rappelle que l'accord signé entre Free et Orange court jusqu'en 2018 et qu'il y a des éléments qui, dans le temps, devraient inciter à son arrêt, comme le coût grandissant des échanges de données entre réseaux et l'engagement de couverture, mais que cela ne pourrait pas suffire.
Elle appelle donc le régulateur à préciser des règles d'encadrement de l'itinérance, notamment sur sa durée qui, selon l'Autorité, ne devrait pas " être prolongée au-delà d'une échéance raisonnable : 2016 ", période de fin du droit à l'itinérance 2G.
Elle invite l'Arcep à vérifier que la stratégie d'investissement de Free est conforme à ses obligations de couverture ( 75% de la population en 2015, 90% en 2018 ) et à prévoir le cadre de l'extinction de l'itinérance.
Itinérance en 4G : pourquoi pas, mais...
Elle met aussi en garde contre le fait que le maintien d'une itinérance 2G au-delà de 2016 pourrait être un frein à son déploiement 3G / 4G. Sur la 4G, l'Autorité de la concurrence note que faute de s'être engagé sur des fréquences 800 MHz, Free Mobile peut faire appel à une itinérance avec SFR mais que, " à ce jour, Free n'a pas encore conclu de contrat d'itinérance 4G ".
Cet accord d'itinérance 4G est a priori bien vu par l'Autorité puisque Free ne pourra compter que sur ses fréquences 2,6 GHz, qui portent moins loin que celles de la bande 800 MHz et qui nécessiteront donc d'en installer plus, mais elle souligne aussi que cette situation a été provoquée par le nouvel entrant lui-même dont la proposition financière pour des fréquences 800 MHz n'a pas été retenue.
Et l'Autorité n'est pas dupe d'une manoeuvre qui veut forcer l'itinérance 4G : " l'Autorité de la concurrence est d'avis qu'il n'est pas souhaitable que l'itinérance soit utilisée pour compenser une stratégie d'acquisition de fréquences inadaptées. S'il était avérée que le déficit de fréquences de Free entraîne pour lui un risque sérieux de marginalisation, il lui semble préférable de compenser cet éventuel handicap par une réallocation de fréquences plutôt que par une itinérance en zones denses. "